L’Islam est-il compatible avec la démocratie, la liberté de pensée, de croyance et d’expression, la laïcité, l’égalité de droits entre hommes et femmes…? La réalité du monde musulman d’aujourd’hui a de quoi désespérer sur les chances que cette compatibilité puisse exister. Pourtant, la Chrétienneté a donné au monde durant de nombreux siècles le même sentiment de désespoir, avec l’inquisition et les bûchers, l’inégalité des droits des femmes, la criminalisation de l’hérésie, de l’homosexualité, de la contestation du pouvoir politique « de droit divin ». Cela n’a pas empêché le monde chrétien d’évoluer. Pourquoi n’en serait-il pas de même du monde musulman ?
A ceux qui prétendent que cela ne serait pas possible en raison de ce qui est écrit dans le Coran, rappelons que les écritures du Coran ne sont ni plus ni moins misogynes ou belliqueuses que celles de la Bible, Torah des Juifs et Ancien Testament des Chrétiens. Un autre Islam peut exister. Il a même déjà existé, comme entre le 8ème et le 10ème siècle, avec les Mu’tazala qui avaient développé une pensée progressiste, ouvrant la voie à de brillants philosophes éclairés tels al-Farabi, Ibn Sina, Ibn Rushd, al-Ghazali, Ibn Tufail… Plus près de nous, la Turquie d’Ataturk et la Tunisie de Bourguiba ont été des exemples de laïcité et d’émancipation des femmes.
Les Mu’tazala pensaient que l’essence de l’Islam résidait dans deux principes simples et amplement suffisants : le monothéisme et la justice, que le reste de la doctrine est affaire de contingence, que le libre arbitre est le moyen de choisir sa voie et de bien se comporter. Ils défendaient l’idée qu’en cas de contradiction entre le discernement naturel entre le bien et le mal et la révélation, il faut interpréter la révélation à la lumière de la raison.
Une telle pensée peut dominer à nouveau dans l’esprit des croyants. Elle le peut si et seulement si le Politique en décide ainsi. Car ce ne sont pas les querelles théologiques qui font évoluer les religions, mais les avancées sociales, culturelles et économiques et leur prise en compte par le politique. Il faut pour cela un minimum de stabilité et de bien-être dans le monde musulman, une dynamique de développement et de progrès et non plus, comme c’est hélas encore le cas actuellement, une dynamique de réaction contre les injustices, si nombreuses et si diverses, que subissent les peuples concernés.